Sacré Arthur!
1997/12/04
LE Devoir
Trudel Clément

Arthur Lamothe aux week-ends de l'ONF

Une nuit, Gilles Vigneault joint Arthur Lamothe au téléphone. Il lui annonce qu'il a enfin trouvé la chanson pour le film à petit budget (Il a neigé sur la Manicouagan) qu'on n'a mis que quatre jours à tourner! Ce sera Mon pays... hymne à l'hiver et à la fraternité, qui vaudra peu après à Vigneault d'être couronné au festival de Sopot (Pologne), en 1965. Le supertube entrera même au répertoire du Choeur de l'Armée rouge.

Des anecdotes comme celle-là, des confidences, des sourires complices, des éloges à foison envers un cinéaste documentariste qui a su se faire pamphlétaire (Le Mépris n'aura qu'un temps) font que les 81 minutes du film qu'André Desrochers consacre à Lamothe, Sacré Arthur (au cinéma ONF, les 5, 6 et 7 décembre), semblent aussi courtes qu'un entracte. Le film est à la fois une anthologie - qui d'autre que Lamothe peut se vanter d'avoir plus de 60 heures de films sur, et par, les Amérindiens? - et un recueil de témoignages (Jean Rouch, Gilles Carle, Jean Arlaud, Rémi Savard, etc.) propres à faire rougir ce Gascon fortement enraciné à Montréal. On surprend Arthur Lamothe, qui fut un temps bûcheron et ouvrier de la construction avant d'approfondir son empathie avec les Premières Nations, dans des poses facétieuses ou méditatives (lorsqu'il revoit à Saint-Mont la tombe de ses parents), mais le plus souvent dans des attitudes typiques de revendication en faveur des dépossédés. Il crâne, en bon mousquetaire, devant les gardes-chasses venus saisir la viande d'orignal sur la réserve des Betsiamites (Côte-Nord). Sa fiction Le Silence des fusils peut se résumer en un plaidoyer pour que lumière soit faite sur un fait divers: la mort suspecte de deux Attikameks sur la rivière Moisie, tragédie sur laquelle enquête présentement la commission Roberge, 20 ans après ces noyades que l'on impute à des garde-pêche revanchards.

Le film de Desrochers, qui fut un temps proche collaborateur de Lamothe, est présenté en primeur ce week-end au cinéma ONF (distribution Cinéma libre). On regrette qu'au générique, l'un des organismes bailleurs de fonds, la CSN, devienne méconnaissable en Centrale nationale syndicale (sic), mais passons.